Ecrit au soleil d’un matin de début mars, lorsque les gelées nocturnes sont encore fréquentes.
j’ai oublié de rentrer le mimosa
il a gelé cette nuit
j’aurais du le savoir
le rentrer, le protéger
c’était ma responsabilité
il n’y peut rien le mimosa
si je l’ai mis en pot
dans ce pays froid
si je l’avais abrité,
j’aurais brisé la toile d’araignée
qui le relie au mur
l’araignée s’en serait sortie
tandis que le mimosa
va-t-il survivre ?
ai-je failli à mon devoir
prendre soin des êtres
de la vie qui dépend de moi ?
oui je sais, on peut discuter
une plante est-elle un être ?
je n’y crois guère
mais c’est la vie !
et celle-là en tout cas
elle dépend de moi
Je ne peux pas soigner tous les malheurs du monde
mais ce mimosa
je pouvais
la guerre à l’autre bout de la Terre
ou même pas si loin que ça
la violence dans ma ville
y puis-je quelque chose ?
peut-être un peu
car, au fond, je profite du système
alors que tant d’autres
le système
il les écrase
il les domine
il les exploite
mais je ne sais pas quoi faire
sauf
prendre soin de ce qui m’entoure
ce mimosa
les réfugiés dans mon village
un ami dans la peine
un frère humain dans la détresse
l’amour qui emplit de bonheur mon quotidien
je n’ai pas pris soin du mimosa
ce n’est peut-être pas si grave
il est trop tôt pour savoir
s’il va mourir
ou fleurir
ses feuilles sont encore vertes
je pourrais me bercer d’illusion
tu vois bien qu’il est encore vivant
mais peut-être pas
nos actes ont parfois
des conséquences
qui dépassent notre vision immédiate
lointaines, dans l’espace et dans le temps
les mines de coltan où meurent des enfants
les plages inondées de pétrole
le mimosa qui va mourir
peut-être
en plus, il n’allait déjà pas très bien
il n’était sans doute pas assez fort pour survivre
ce n’est pas un drame s’il meurt
c’est comme laisser mourir les malades et les vieux
on ne peut pas l’accepter
prendre soin du mimosa
des faibles
des éclopés, des pauvres, des vieux
nourrir l’amour
c’est peut-être ça le sens de la vie
ce soir en tout cas
je rentre le mimosa