ceux qui se lèvent
mettent leur masque
prennent le chien
ceux qui évitent le vélo qui passe
volle gas*
ceux qui regardent les pigeons
les aveugles
les yeux rivés aux écrans
celle qui « voilà ! »
celle qui « tu vois, tu comprends ? »
celles qui passent avec leur sac
Zara, Chanel ou Aldi
ou leur sac à main
celui qui reste
assis par terre
sans jambe
sa chaise derrière lui
celui qui est invisible
pour tous ces passants qui passent
avec leurs sacs
avec leurs amis
avec leur famille
celui qui sourit
celui qui espère
accrocher un regard
recevoir une piécette
celle qui passe avec sa poussette
les amoureux
les voyageurs
qui ne voient pas
la main tendue
ceux qui cherchent leur chemin
les plaques de rue
les GPS
les guides de voyage
ceux qui « c’est par là »
ceux qui tremblent dans le vent
celui qui reste
cinq minutes
une cigarette
celle qui
il y en a une
qui cherche une pièce de monnaie
on n’a plus de pièce de monnaie
aujourd’hui
carte de banque
QR code
payement mobile
celui qui s’époumone
ceux qui se cachent
derrière leur masque
et l’enfant
qui le montre du doigt
ceux qui roulent
des mécaniques
ceux qui « allo t’es où ? »
ceux qui « wacht even »
ceux qui parlent
tellement vite
ceux qui photographient
surtout faire un effort
ne pas le voir
ne pas le remarquer
bien faire semblant
en trottinette
rapide
c’est facile
celles qui cheveux roses
celles qui quincaillerie
celles qui éclatantes
celui-là tout de noir
les joggers
surtout pas ralentir
les copines
et leurs rires
rester au paradis
et le monde des pigeons
indifférents
qui circulent
qui picorent
qui s’écartent
qui reviennent
l’autre monde
invisible
du trottoir
« volle gas » : plein gaz, en bruxellois.
Ecrit rue Neuve à Bruxelles, lors d’un atelier d’écriture animé par Laurence Vielle, le 8 février 2022 au théâtre National.