J’avance

J’avance.

J’avance dans un couloir. Je ne sais plus depuis quand, mais j’avance. Les murs blancs et lisses, aucune aspérité, aucun repère. A l’infini. Le plafond, très haut. Pas de fenêtre. Je ne sais pas où je suis. Je ne sais pas où j’en suis. J’avance.

Il n’y a personne. J’appelle. Je crie. Pas de réponse. Je frappe les murs. Pas de réponse. Les murs sont pleins, solides comme le roc. Je frappe les murs, à m’en écorcher les poings. Rien. Alors j’avance.

Bien obligé. Le mur derrière moi avance, lentement, régulièrement. Il me pousse même. Impossible de le bloquer. Pas un interstice où glisser… Où glisser quoi d’ailleurs ? Je n’ai rien. Alors j’avance.

J’avance à reculons maintenant, pour surveiller le mur. De tout façon, derrière moi, enfin devant, c’est tout droit, c’est tout blanc, c’est rien. Aucun danger, je peux avoir confiance. J’avance.

J’avance, je ne sais pas depuis quand. J’ai faim et je n’ai pas faim, soif et pas soif, sommeil et pas sommeil. Je ne sens rien en fait. J’avance, c’est tout.

Je rêve d’un bulldozer géant qui viendrait briser le couloir, d’un tremblement de terre, d’un gouffre. Mais rien ne change. Alors j’avance.

Je ne sais pas comment c’était avant. Je me souviens, on m’a dit que ce serait bien, à la fin. Alors j’avance. Quoi d’autre ?

Qu’est-ce qu’il y a au bout du couloir ? Un mur, une porte ? Je n’y pense pas. Je ne réfléchis pas. C’est sans importance. J’avance.

Je veux voir le bout. Je cours, le plus longtemps possible. C’est toujours blanc, toujours lisse. Quand je m’arrête, le mur me rattrape. Vite. Est-ce qu’il me suit ? Et si je m’arrête, si je m’arrête vraiment ? Il avance. Doucement, mais il avance. Il me pousse. Sans me blesser, mais il avance. Impossible de l’arrêter. Impossible de m’arrêter. Alors j’avance.

Le mur me pousse. J’avance. Il me pousse comme la tête d’un piston vers la chambre d’explosion. Mais devant il n’y a rien. Que le couloir. J’avance. Tout au bout, un jour, peut-être, l’explosion universelle.